La Plantade de La Barthe-de-Neste
Une histoire d'exploitation agro-sylvo-pastorale
Les plantades sont des vestiges uniques d’une exploitation agro-sylvo-pastorale, typique de la moitié occidentale des plateaux sous-pyrénéens. Autrefois, elles façonnaient les paysages de landes avant d’être implantées près des villes et villages. Composées de chênes pédonculés de haute tige, parfois âgés de plus de 150 ans, ces forêts artificielles étaient plantées à intervalles réguliers, permettant le pâturage, le pacage, le passage, ainsi que l’extraction de la brande pour l’engrais des cultures.
L'origine des plantades
Etymologie et tradition
Le terme “plantade” signifie “la chose plantée” ou simplement “plantée” en occitan. Dès le XVIIe siècle, une tradition annuelle appelée “plantagne” impliquait la plantation de chênes pédonculés par les habitants d’une communauté. Ces forêts étaient alors désignées sous le nom de “futaies plantées”.
Les plantades auraient émergé en Bigorre et en Béarn à la fin du Moyen Âge, période marquée par une forte augmentation de la population des plateaux sous-pyrénéens. Cela a conduit à la mise en œuvre d’une réglementation forestière pour partager cet espace entre tous. Les premières descriptions des plantades remontent à 1669, par Louis de Froidour, qui mentionnait déjà des chênes pluricentenaires, estimant ainsi leur origine au XVIe voire au XVe siècle.
Exploitation et gestion de la Plantade
Une gestion communautaire
Pendant tout le Moyen Âge et jusqu’en 1789, les forêts de chaque communauté faisaient partie des biens communaux, gérés de manière collective par des assemblées. Les seigneurs concédaient ces biens aux villageois en échange d’une redevance, permettant l’exploitation des ressources partagées tout en assurant un revenu aux seigneurs. Un “droit de glandée” permettait aux habitants de laisser paître leurs bêtes dans les espaces forestiers, incluant les plantades. Ce droit était strictement réglementé : interdiction de secouer les arbres pour faire tomber les glands, interdiction d’ébrancher les arbres, et toutes les coupes d’arbres devaient être approuvées par l’assemblée des habitants.
Pratiques agricoles et pastorales
Les plantades avaient principalement un intérêt pastoral. L’élevage de porcs était l’objectif principal, représentant une industrie majeure de la région au XVIIe siècle. Les porcs se nourrissaient de glands, contribuant ainsi à l’économie locale et à la subsistance des familles. Trois races locales de porcs existaient : la bigourdane, la miélanne et la gasconne. Les glands, en plus du son, des pommes de terre et des châtaignes, permettaient d’obtenir une chair fine et savoureuse, réputée pour les jambons de Bayonne.
Au XVIIIe et XIXe siècles, une redevance par porc introduit dans les bois était appliquée annuellement, fixée par les officiers des Eaux et Forêts en fonction de la production de glands estimée. Par exemple, au XIXe siècle, les habitants du plateau de Lannemezan payaient 1 franc pour le premier porc, 2 ou 3 francs pour le deuxième, et jusqu’à 5 francs pour le troisième. Les taxes étaient réduites lors des disettes de glands, périodes vécues comme de véritables crises. Les porcs destinés à la glandée étaient conduits et ramenés matin et soir par un porcher, payé en nature par la commune.
En plus des glands, les plantades fournissaient une autre ressource : le soutrage. Tous les deux ou trois ans, la brande ou thuie, constituée d’ajoncs, de bruyères et de genêts, était récoltée pour servir d’engrais. La récolte était divisée en lots selon le nombre de familles de la commune, chaque ménage payant une redevance pour son lot de soutrage.
L’exploitation du bois
Pour les futaies plantées, ou plantades, il était de coutume de fixer la coupe des arbres entre 80 et 150 ans, bien qu’il n’était pas rare de trouver des arbres plus âgés. En effet, laisser vieillir les arbres prolongeait le temps de la glandée, retardant ainsi le coût de replantation. Les glands étaient alors plus rentables que le bois.
Les plantades offraient également du bois pour le chauffage et les constructions. Bien souvent, une coupe annuelle était programmée et confiée à un entrepreneur, puis le bois était vendu aux enchères par la suite. L’exploitation du bois était néanmoins secondaire, les arbres étant souvent laissés et pouvaient vieillir au-delà de 150 ans, les rendant impropres à la construction. Toutefois, les communes pouvaient demander des coupes exceptionnelles pour des travaux publics, telles que la construction de ponts ou la réparation d’écoles et d’églises, bien que ces demandes pouvaient être refusées si elles menaçaient la conservation de la forêt.